Écriture : à la recherche de la « petite robe noire »
- Déborah Braun
- 3 juil.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 2 jours
La « petite robe noire », dans la mode, est un classique. Et un exercice de style bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Quand elle est réussie elle paraît simple sans être simpliste. Elle se tient par de subtiles justesses : coupe, tissu, détails. Les finitions sont impeccables. Rien ne déborde. Tout tombe juste. Elle est évidente, unique, intemporelle.
Cette petite robe noire semble avoir toujours existé.
Mais pour cela, tout doit être parfaitement équilibrée, et si un élément cloche, même très légèrement, la magie ne prend pas.
Et si l’écriture fonctionnait de la même façon ?
Écrire un scénario ou un roman, c’est viser cette même évidence construite. Ce tombé parfait du récit : une structure qui disparaît dans le récit, des détails qui construisent un tout cohérent, naturel, puissant. Organique.
Comme la petite robe noire, un bon scénario semble évident. Mais cette évidence est une illusion : elle se construit avec précision, subtilité et obsession du détail. Le travail est fait d’aller-retours entre intuition et analyse, créativité et savoir-faire.
Parfois, à la énième réécriture, on sent un problème, ça gratouille, ça résiste légèrement, mais on ne ne sait pas forcément tout de suite d’où vient le problème (spoiler : souvent en amont). Il ne faut jamais croire que ce n’est rien parce qu’on ne sait pas d’où ça vient, que c’est l’humeur du jour ou la météo ou les mauvaises nouvelles du monde. Ces micro-frictions sont des alertes. Il faut chercher, puis trouver. Reprendre. Retoucher et ajuster. Jusqu’au tombé parfait.
(en s’arrêtant quand c’est fini, sans dépasser la ligne d’arrivée, sous peine de tout faire s’écrouler, ceci sera l’objet objet d’un prochain post…)
L’élégance, ici, n’est pas esthétique. Elle n’est pas une question de genre. Un récit peut être sombre, brutal, dérangeant, ou flamboyant, déjanté, et pourtant parfaitement tenu. C’est une maîtrise de la narration, une cohérence profonde qui donne au récit son inéluctabilité.
Même un film d’horreur peut être une petite robe noire : implacable, évident.
Un scénario ou un roman réussi, c’est comme une petite robe noire réussie :- Une cohérence parfaite entre les éléments
- Une construction fluide, où tout semble aller de soi
- Un équilibre invisible
- Des détails justes et discrets- Et un tout qui dépasse la somme des parties
Et quand tout est en place, le texte est prêt à être porté par d’autres que l’auteur : un producteur, une réalisatrice, un acteur, un.e lecteur.rice, ...
Et alors il vit sa vie.
